Aujourd’hui, nous sommes samedi et Zo m’a proposé
Aujourd’hui, nous sommes samedi et Zo m’a proposé de m’emmener à l’Îlot de la Vierge, une colline verdoyante qui avance dans le lac. Un sentier touristique, le chemin des treize villages, existe qui se contente de suivre la côte mais Zo veut me guider sur une piste qui monte sur la crête et donne une vue panoramique sur le lac.
8h. Nous devons d’abord passer au marché pour faire quelques emplettes pour la semaine. Le marché d’Ampefy se situe à deux pas de la maison. Sur des étals délabrés ou sur un simple drap, les commerçants vendent les fruits de leur labeur. Des légumes et plus rarement de la viande et du poisson. Tout ce qui ne sert plus et peut être revendu est présenté : des pièces détachées d’un peu tout et des emballages vides (cartons, bouteilles, flacons, boîtes de conserve…) Les légumes sont pesés sur des balances de Roberval qui semblent avoir cinquante ans, voire davantage. C’est ici, au cœur de cet espace d’échange où les transactions ne dépassent que rarement 2000 Ariary, que l’on prend toute la mesure du dénuement extrême de la population. Je suis Zo dans les dédales étroits, assaillis de regards curieux et interrogateurs.
A l’issue de ces brèves courses, nous nous mettons en route. La piste monte vers la colline en pente douce jusqu’au sommet d’où l’on aperçoit rizières et étendues d’eau de l’autre côté. Le lac a un peu la forme d’un boomerang, deux langues coudées, et l’on n’en voit pour le moment que la moitié. Mais le panorama est déjà saisissant. Les couleurs surtout : le feu de la terre, les palmiers verdoyants, le lac clair, presque blanc.
Nous sommes en vue de l’îlot et désormais l’on peut observer le lac sur plus de cent quatre-vingt degrés. La descente, un peu plus raide que la montée, nous mène jusqu’à la côte où nous rejoignons le sentier des treize villages. A force d’entendre des salutations en malagasy, je demande à Zo ce qu’elles signifient et la prononciation correcte. « Manao ahoana ». Ce n’est pas seulement un bonjour, on demande à la personne comment elle va. On répond souvent par un « Salama ». Les visages s’illuminent à la prononciation maladroite de ces quelques mots. Parfois un « Salut Vazaha ! » semble provenir d’une maison à cinquante ou cent mètres de là. La peau blanche ne passe pas inaperçue ici. Et avec de l’indice cinquante, je n’accélère pas franchement ma fonte dans le paysage.
Des enfants sur la plage demandent que je les prenne en photo. Je suis gênée à chaque fois de sortir ce truc énorme. Pas que j’ai peur qu’on me le vole, les gens sont par trop bienveillants, mais c’est totalement indécent. Je m’exécute néanmoins et immortalise quelques jolis portraits.
La suite de notre périple nous amène au sommet de l’Îlot de la Vierge. Un promontoire et (évidemment) une statue de Marie. Un gardien, des sœurs. C’est un lieu de recueillement, de pèlerinage. Ici, nous avons un des plus beaux panorama de la balade. Le retour est différent puisque mon cher guide a choisi une boucle. Nous passons au milieu des rizières. Le riz est semé puis les pousses sont repiquées en rang bien espacés pour donner la place à la plante de mûrir ses fruits. Sans cela, rien ne se passe. Le fastidieux et éreintant travail de repique est celui des femmes. Cela engendre, les thérapeutes qui m’accueillent ne le savent que trop bien, de graves problèmes de dos et des blocages de rein. Nous rentrons déjeuner à la villa où Michel nous a préparé un délicieux repas.
L’après-midi s’annonce calme et j’en profite pour préparer les cours de lundi. Fatigue du corps. Clarté de l’esprit. C’est peut-être cela, à la place de la simple attente de septembre, toute cette confusion dans ma tête dissipée par ce voyage, après les TAAF, les Etats-Unis et la Mongolie, qui conclue une sorte de « Mange, prie, aime » sur mesure. Pour moi, ce sera « Mange, écris, aime » car le mystique est déjà inclus dans le troisième impératif. Tout n’est pas résolu mais je sens dans mes veines affluer une nouvelle force.