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La Terre Rouge des Bienveillants
23 septembre 2012

EPILOGUE

Aurélien,

Quelle partie de ton message est-elle sensée me rassurer ? Le fait que tu aies érigé comme moi l'autodestruction en une forme d'art à part entière, que tu n'aies jamais vraiment envisagé de ne pas me revoir en gardant ce fameux joker du destin de cet avion que nous devions prendre ensemble, ou encore que tu me proposes un drame plus épique qu'un roman d'Anna Gavalda, plus tragique qu'une comédie musicale de Baz Luhrman, d'une portée si vaste qu'il pourrait nourrir mon imaginaire créatif jusqu'à la fin de mon existence ? Avec tout ça, tu dois bien te douter que je ne peux être qu'une femme comblée.

Il est logique, bien que frustrant, que ce soit ici, si près de toi, à randonner sous les contreforts de Cilaos, que ta voix soit la plus limpide à mon oreille. Les réponses affluent, tant que je ne sais plus qu'en faire.

Pourquoi serions-nous là toute une semaine au juste, si ce n'est pour le triomphe de notre orgueil ? Aucun de nous ne peut faire un pas vers l'autre et dissymétriser notre lien, sans quoi il perdrait l'autre du même voyage. Car rien de non co-décidé, co-ressenti, n'a de place dans le nous. Même si nous nous pensons jour et nuit, je t'entends, aucun de nous deux ne prononcera jamais le mot besoin. Nous sommes trop présomptieux pour cela. De fait, pas un pas en avant, mais pas non plus un seul pas en arrière. Puisque si tu avais changé ton billet ou si j'avais changé le mien, comment aurions-nous pu avoir la certitude d'avoir au moins une fois l'occasion de rentrer en collision (ce que tu as sobrement et sans réalisme appelé "se revoir") encore une fois avant que tout ne soit perdu, avant que tout ne soit plus que silence ?

Je ressens, je ne sais comment, que tu as cessé de te mentir. Néanmoins, ta réflexion piétine, souvent comme pour moi, en raison de questionnements incorrectement formulés. Je sais que tu aurais voulu que je te sauve mais je ne peux réparer ce que tu as fait. Si je peux enflammer ton présent, je ne sais changer le passé. Il n'y a que ton coeur que je puisse sauver, parce que je suis toi, que je peux répondre aux interrogations que tu balbuties, que je peux t'apprendre à arrêter de briser tout ce que tu touches car je connais les secrets de notre nature, que je l'ai enfin domptée. Mais tu es beaucoup trop fier pour me laisser faire.

Ménager, moyenner, concilier, avec un coeur comme le tien qui veut tout et davantage, cela t'a mené ici, à quelques kilomètres de moi, quand tu aspires à mes bras, pour que le quotidien devienne l'exception, que toutes ces heures à boire en terrasse, à regarder les autres regarder des petits culs de métisses, ne soient pas perdues. Le temps perdu ne se rattrape pas. Tu sais ce qui va se produire. Nous sommes une bulle, un espace indiscernable de joie pure et d'insouciance que ne pénètre plus aucune rancoeur, aucune colère, aucune souffrance. Tout en toi livrera continuellement une bataille acharnée pour connaître à nouveau cette félicité, dont ton coeur se souvient sans jamais arriver vraiment à en redéfinir les contours, à la restituer sensuellement. Juste le fait de chercher de tes doigts entre les miens, me sentir t'échapper et te rappeler de tendresse et d'envie, croquer ma bouche dont les contours que tu ne peux oublier te réclament sans répit, jouer avec mes cheveux en écoutant le lyrisme et l'intuition qui t'ont, en quelques heures, fait comprendre que jamais ta vie ne pourrait plus être la même.

Alors oui, nous allons probablement entrer en collision car le destin n'en a pas fini avec nous. Mais de tout ce qui pourrait advenir, c'est peut-être ce qui te fait le moins peur. Puisque tu as appris à mon contact que le but de cette vie n'est pas forcément d'en minimiser les souffrances. Pas pour nous. Parce que sans restriction de sens, je suis ton héroïne. Parce que je suis toi.

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